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FIL de DISCUSSION

Cette page s’adresse à tous les participants inscrits aux conférences psychanalyse et mondialisation 2011-2012 sous la direction de M. Willy Apollon. Elle a pour but d’offrir un espace de travail et d’échanges au sujet des problèmes et enjeux développés dans ce cycle de cinq conférences sur le thème « AUTREMENT… c'est quoi?... pour les survivants que nous sommes ». Les participants sont ainsi invités à partager leurs questions et réflexions suscitées par ces conférences. Au début des soirées, un retour peut être fait sur ce qui aura été recueilli sur la page depuis la dernière conférence.

Politique

· L’auteur doit s’identifier ;
· Il évite d’écrire des mots en majuscules ;
· Il utilise un langage approprié et respectueux de l’intégrité morale d’autrui ;
· Le texte doit respecter la ligne de travail proposée par la page ;
· Le texte sera soumis à une première lecture. S’il est jugé inapproprié, il ne sera pas publié.
· Il faut prévoir un délai de 48 heures avant l’apparition du texte sur le web.

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Février 2012

Autre, autrement

Le capitaliste c'est celui qui possède ou contrôle ressources et richesses.

Qui contrôle les ressources et les richesses dans un état capitaliste?

Y a-t-il des états qui ne soient pas capitalistes?

Le véritable état capitaliste, c'est celui qui capitalise, et non pas celui qui laisse les autres capitaliser, celui qui laisse aller, qui donne du mou ...

Y-a-t-il un seul pays où la propriété des ressources soit réellement collective? On m'a donné des exemples dernièrement, aucun qui soit le moindrement convaincant. Au mieux c'est l'état lui-même qui est propriétaire, l'état contrôlé par quelques individus.

Lorsqu'on est du bon bord, on peut très facilement aimer l'état qui nous enrichit, ou nous laisse nous enrichir, et nous donne du pouvoir, ou nous laisse prendre du pouvoir. La seule question est de savoir à quel point l'état fait ça plus ou moins directement. Plus c'est direct, plus c'est facile.

La guerre est une autre façon de répartir la richesse. Un capitaliste peut sans doute convaincre un état de faire la guerre, mais s'il est lui-même l'état, ça fait autant de gens en moins à convaincre. Les empereurs n'ont pas trop de mal à convaincre leurs empires à faire le guerre. On pourrait ainsi plutôt classer les états selon qu'ils ont plus ou moins de difficultés, de négociations à entreprendre, d'appuis à gagner, pour pouvoir faire une guerre.

C'est le capital de liberté qu'on concentre ou non. L'état que l'on dit capitaliste c'est l'état libéral, qui laisse les autres capitaliser. À qui est-ce donc que discréditer cet état dit capitaliste peut profiter? À n'importe qui qui veut plus de pouvoir ou de richesse. Tant que l'état tient quand même un peu debout, ça peut fonctionner.

Plus le contrôle sur l'état est direct, plus le contrôle sur la richesse est direct. La seule question intéressante est de savoir à qui profite la richesse. Lorsqu'on est riche, il est bien pratique d'avoir des pauvres, tout-le-monde ne peut pas être plus riche que les autres. Lorsqu'on est pauvre, il est bien pratique d'avoir des riches, ils peuvent nous diriger, ils peuvent expliquer toutes sortes de choses, y incluant notre pauvreté. Tout-le-monde ne peut pas être plus pauvre que les autres.

La face capitaliste de l'état, c'est celle qui organise l'utilisation, qui décide de l'utilisation potentielle, des richesses, des ressources, du capital.

Comment un état pourrait-il ne pas être capitaliste?

Quand je tourne autour d'une question, je me demande parfois à qui est-ce que le crime profite, à qui est-ce que le silence profite? À qui est-ce que la forclusion profite? C'est sans doute à des gens qui ont quelque chose à vendre, ou à "donner".

L'état déplace-t-il lui-même ses populations pour laisser le contrôle de la place? Tolère-t-il qu'on agresse ces gens pour les faire partir? Que laisse-t-il à ses gens en échange? Des coups de bâton? Quelques sous? Des larmes? La fierté d'un grand pays? Du pain et des jeux? Des jobs en ville, dans des serres, ou sur des bateaux de touristes? La promesse de continuer à payer? Simple question de mesures.

L'état donne parfois ses ressources et ne ramasse que l'impôt sur les emplois donnés par l'entreprise. L'état ne capitalise pas, c'est l'entreprise qui le fait. C'est elle qui peut reconcentrer la richesse, le capital. Le jour où l'état veut ou a besoin de capital, il n'a qu'à se tourner vers ceux qui l'ont accumulé. On en vient ainsi un jour, parfois, à avoir trop emprunté à celui qui a capitalisé ce qu'on lui a donné. Ne pas payer alors ses "dettes" à un tel capitaliste libéral, ça pourra peut-être passer. Même si celui-ci admet déjà ouvertement une logique de guerre. Qu'en serait-il si on ne payait pas un capitaliste qui soit un état, riche, fort, et contrôlé par quelques individus?

Expulser des gens pour construire un barrage ou pour produire des fleurs, leur enlever les moyen de produire eux-mêmes leur nourriture, en leur proposant la possibilité d'avoir peut-être un emploi qui leur permettra peut-être de gagner leur nourriture produite par d'autres, c'est un choix de production et de distribution de la richesse. L'avantage c'est que ce choix permet d'extraire de la richesse durant le processus et d'en faire profiter soi-même et/ou quelqu'un d'autre. C'est une façon d'enlever de petits pouvoirs à beaucoup de gens pour en donner de grands à quelques personnes. Concentration, capitalisation de la richesse. La richesse à laquelle "on" n'a pas accès n'est ni très enrichissante ni très glorieuse.

On ne peut pas tirer beaucoup de richesse de gens qui ne font que produire leur pain. On n'a pas beaucoup de pouvoir sur des gens qui produisent eux-mêmes leur pain. Pour qu'un tiers puisse tirer de la richesse et du pouvoir de ces gens-là, il faut qu'il vole du pain. Et si c'est gens-là en crèvent, ce n'est pas seulement un voleur, c'est un assassin.

Sans compter qu'un dirigeant contemporain qui a la télévision ne veut pas être associé à un paysan "sous-développé".

C'est la force qu'on a réussi à capitaliser et à concentrer dans le cercle restreint du pouvoir de l'empire, qui donne du pouvoir à l'empereur, et à ses collaborateurs. La question est de savoir combien d'empires cohabitent ou peuvent cohabiter dans une même collectivité? Un seul? Ça c'est de l'efficacité! S'il y en a plusieurs par contre, ça fait plusieurs explications et consolations que les gens qui aspirent à plus de pouvoir peuvent se donner. Et ceux qui n'en espèrent plus ont plusieurs raisons de se plaindre et de choisir un fasciste comme dirigeant, il pourra peut-être remettre de l'ordre dans tout ça.

Qu'est-ce qu'une collectivité? Le cinéma nous a déjà donné à imaginer un empire pour qui une seule planète ne serait pas suffisante. Un empire en envie un autre, avec la même petitesse et la même mesquinerie qu'on envie le gazon de son voisin.

Jean-Claude Boulet

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Un début de réponse...

Si vous me le permettez, j’aimerais risquer un début de réponse aux questions que vous soulevez, quitte à ce qu’elle soit dans le champ gauche.

Premièrement, je ne crois pas qu’il soit juste de dire : « Nous vivons à partir de dires qui ne seront jamais observables. » En fait, j’accroche un peu sur le mot «dire», puisque je ne crois pas qu’il s’agisse de choses qui puissent se «dire», voyez-vous ? Ou plus précisément, ce que nous pouvons en dire ne fait qu’en effleurer la surface. M. Apollon soulignait le fait que les physiciens en sont venus à la conclusion qu’ils n’arrivaient pas à repérer la source de 75% de l’énergie dans l’univers. Ils en observent les effets, mais ils ne voient pas la cause de ce qu’ils observent. Il a aussi fait le parallèle avec l’inconscient chez Freud. Ainsi, le psychanalyste repère les effets de l’inconscient chez l’humain, sans pour autant l’observer directement. Je crois que c’est dans ce sens-là qu’il disait que – je ne me souviens plus de la formulation exacte – l’essentiel des forces qui agissent dans l’humain ne sont pas observables. Dit de façon grossière, si on admet que l’humain fait partie de l’univers, 75% de ce qui agit en lui n’est pas observable.

Cette «énergie noire» dans l’humain, si j’ai bien compris, est gérée par les cultures qui posent les limites du recevable, les idéaux, les interdits, etc. Elles doivent la gérer, car dans chaque humain existent les forces nécessaires pour en faire un Beethoven ou le pire des criminels, disait M. Apollon. Les cultures se servent donc de discours pour gérer les collectifs humains et ces discours doivent être fondés sur du croyable. Elles tentent de créer les conditions nécessaires pour s’assurer que l’énergie du Beethoven fasse du Beethoven et non pas «le pire des criminels».

Aujourd’hui se pose le problème de la mondialisation et le voisinage des discours mis en place par les cultures. Dans le contexte où nous sommes, où la plupart des cultures ne se considèrent plus comme «le fer de lance de l’humanité», cela pose un grave problème. Si, dans la culture voisine, les limites du recevable, les idéaux, les interdits, (…), ne sont pas les mêmes que chez nous, et que cette culture a autant de valeur que la nôtre, comment négocierons-nous la suite? Emprisonnerons-nous toutes les familles qui tueront leurs filles qui osent les déshonorer? Nous emprisonneront-ils pour avoir laissé nos filles nous déshonorer? Imposerons-nous des libertés nouvelles à des groupes de femmes? Restreindront-ils les libertés de nos femmes? Et tout ça sera fondé sur quoi? Si j’ai bien compris, c’est là que se situe l’impasse actuelle et la majorité des cultures – sauf peut-être celles qu’on a réussi à isoler du reste du monde – font actuellement face à ce problème. Pour nous, c’est peut-être en partie le discours néo-libéral, mais j’aurais tendance à croire que c’est plus profond que ça. Vous le soulignez d’ailleurs dans votre dernier paragraphe en écrivant en gros que finalement, «plus rien ne tient.» Et nos jeunes en font probablement l’expérience la plus forte, ne sachant même plus très bien pourquoi ils s’embarrasseraient d’avoir à négocier une satisfaction qu’ils attendraient de l’autre.

Je suis également d'accord en bonne partie avec la question que vous posez à la fin à propos des stratégies à inventer. J'ajouterais simplement qu'il y a encore plus à articuler, structurer et soutenir que les 3 pouvoirs que vous mentionnez. Ne serait-ce qu'en terme d'idéaux... Qu'est-ce que c'est qu'être un homme dans la mondialisation? Qu'est-ce que c'est qu'être une femme dans la mondialisation?, etc. Pour le moment, on se comporte encore comme si les autres devraient être comme nous. Le problème, c'est que le reste du monde n'aspire pas nécessairement à devenir "Québécois" par exemple. Un problème encore plus grave est que le "Québécois" qui côtoit les autres cultures ne voit plus très bien pourquoi il se limiterait à être "Québécois". Pour compliquer davantage les choses, on peut aussi dire que le problème n'est pas un problème "Québécois" et il ne sera ni géré, ni réglé, par les "Québécois". Et c'est comme ça partout sur la planète...

Bref… Corrigez-moi si je fais erreur !

Éric Chiasson

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Janvier 2012

Impasse sur le fondement du croyable

J’aimerais lancer quelques pistes de questionnement et de discussion. J’ai été frappé et interpellé par cette idée que l’impasse est quelque chose par quoi l’Occident est déjà passé, notamment aux IVème et XVème siècles de notre ère. Si ma mémoire est bonne, il s’agissait bel et bien d’impasses et non de crises. Le point fondamental de butée de ces impasses me semble porter sur la question du fondement du croyable pour une civilisation. Au XVème siècle, l’option prise par l’Église sur la vérité définie comme un « dire provenant de Dieu » ne fonctionne plus ; cette stratégie pour fonder le croyable ne fonctionne plus. La nouveauté radicale, c’est d’inventer une nouvelle conception de la vérité, le vrai conçu comme adéquation du dire à l’observable, probable pour un tiers.

Nous sommes aujourd’hui dans une impasse où cette dernière conception humaniste du vrai n’est plus croyable. Pour citer M. Apollon : « Nous vivons à partir de dires qui ne seront jamais observables ». Je ne comprends pas bien ce point. De quel genre de dires parle-t-on? Je me souviens que M. Apollon a parlé de la poursuite de Desjardins pour des promesses de revenus non observables dans les portefeuilles clients! Mais je ne suis pas sûr que c’est de ça qu’il s’agit, où enfin je ne vois pas en quoi cela met cette conception du vrai dans l’impasse.

Je vois très bien en quoi l’Église n’est plus croyable au XVème siècle (abus de toutes sortes du catholicisme, avènement de la science expérimentale) ; je vois très bien comment il a pu y avoir là une crise des fondements religieux du croyable conduisant à une refonte des bases mêmes de la civilisation occidentale à travers le projet technico-scientifique. Mais je n’arrive pas à voir les choses aussi clairement concernant l’impasse actuelle. D’un côté, la psychanalyse et la philosophie me font voir les limites de la science (et donc de cette conception du vrai) et prendre en compte un ensemble de choses qui sont importantes pour l’être humain sans être observables. Mais je n’arrive pas à bien voir en quoi cette conception du vrai n’est plus croyable pour l’ensemble du collectif.

Je me suis demandé comment appliquer cette conception du vrai à la réalité économique. Serait-ce simplement que nous sommes arrivés au point où le discours néolibéral promettant la prospérité pour tous à travers le laisser-faire des marchés n’est tout simplement plus croyable pour les masses étant donné l’abîme entre ce qui est dit et ce qui est observé dans la réalité (accroissement de la pauvreté, des inégalités sociales, de la violence, crises économiques, impacts environnementaux etc.)? Si c’est le cas, j’ai l’impression que c’est davantage le discours néolibéral qui ne fonctionne pas que la conception du vrai qui est sous-jacente.

J’ai parlé du secteur économique et financier qui ne tient plus, mais il ne doit pas être le seul secteur frappé par l’impasse. Si ce qui est croyable ne tient plus pour le collectif, c’est aussi le projet technico-scientifique et nos institutions politiques qui ne tiennent plus. Pour reprendre les dires de M. Apollon, serait-il possible que cette impasse, ce soit essentiellement l’échec de la légitimité des pouvoirs suivants: tuer (politique), acheter (capitalisme), taire (science, universités) tels qu’ils sont actuellement pratiqués ? La question serait-elle la suivante : Quelle nouvelle stratégie de fondement du croyable allons nous inventer afin de soutenir, restructurer, et réarticuler ces 3 pouvoirs : tuer, acheter, taire ?

Soyez nombreux à poursuivre la discussion et/ou à poser d’autres questions!


Groupe interdisciplinaire freudien de recherche et d'intervention clinique et culturelle

342, boul. René-Lévesque ouest,Québec, Qc, Canada,G1S 1R9